1. A la recherche de la biodiversité et de l'agrodiversité

1.2. Les enjeux de la biodiversité et de l'agrodiversité

La montée en puissance du concept de biodiversité a suscité le développement de recherches sur les enjeux qui lui sont associés, ce que Daily (1997) a appelé les services écologiques.

1.2.1. Les enjeux écologiques

La variabilité génétique au sein d'une espèce joue un rôle décisif dans la capacité de celle-ci à affronter des perturbations, telles que des maladies ou des changements de climat. Du fait de cette variabilité, certains individus résisteront mieux que les autres à la perturbation et assureront la survie de l'espèce. Inversement, une faible diversité génétique est un facteur de fragilisation. L'épidémie de mildiou qui ravagea les cultures de pomme de terre en Irlande entre 1845 et 1849, entraînant une terrible famine à l'origine d'un million de morts, en est une illustration. Cet épisode fut le déclencheur de la grande vague d'émigration des Irlandais vers le nouveau monde, qui se poursuivit durant toute la seconde moitié du XIXe siècle. Plus généralement, la biodiversité est indispensable au bon « fonctionnement » de la planète : protection des sols contre l'érosion, régulation du régime des eaux, participation aux grands cycles biogéochimiques (cycles du carbone ou de l'azote), etc. Par exemple, l'écosystème constitué par les ripisylves, rubans forestiers le long des cours d'eau, participe à la fixation des berges et au freinage des crues, et assure une épuration naturelle des eaux en absorbant une partie des polluants chimiques.

 

1.2.2. Nourrir les hommes

Essentiel 1 : Apiculture et agriculture intensive dans le Gers

Dans de nombreux pays, plantes et animaux sauvages contribuent de façon importante à la sécurité alimentaire des populations. Les activités de chasse, de pêche et de cueillette représentent plus de 75% des protéines alimentaires dans de nombreux pays tropicaux. Les produits de la pêche, par exemple, constituent la principale source de protéines pour plus d'un milliard de personnes à travers le monde. D'autres sociétés rurales consomment des invertébrés : insectes (termites, sauterelles, etc.), mollusques... Le miel aussi est très recherché. 150 à 200 espèces végétales sont cultivées dans le monde, sur plus de 250 000 espèces recensées ! C'est dire si la biodiversité végétale est finalement sous-utilisée, et pourrait l'être bien davantage.[F6]

 

D'autant que seulement neuf plantes cultivées assurent plus de 75% de l'alimentation humaine : blé, riz, maïs, orge, sorgho et mil, pomme de terre, igname et patate douce, canne à sucre et soja. Il existe aussi, il est vrai, des modes de consommation : le rutabaga n'est pratiquement plus consommé en France - triste souvenir de l'Occupation sans doute - tandis que le topinambour suscite depuis peu à nouveau de l'intérêt.

 

1.2.3. Soigner les hommes

L'industrie pharmaceutique utilise beaucoup de principes végétaux. Leur étude peut aussi contribuer à reproduire, par synthèse, des processus ou des substances intéressantes dans la lutte contre les maladies humaines. C'est le cas, par exemple, de l'aspirine issue du saule et de la spirée ou du taxol, extrait de l'écorce de l'if, utilisé dans le traitement de certains cancers [F7].

 

De la pervenche sauvage de Madagascar, on extrait la vinblastine et de la vincristine, deux alcaloïdes anticancéreux. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 80% de la population mondiale se soigne à partir de remèdes traditionnels issus d'espèces sauvages, notamment dans des pays tels que la Chine, le Japon ou l'Indonésie, ou bien encore en Afrique. Efficaces dans certains cas, ces remèdes le sont beaucoup moins dans d'autres et il existe bien des exemples de faux savoirs, se perpétuant de génération en génération. Prélevés sur des espèces menacées, certains produits peuvent précipiter leur disparition, comme la poudre de corne de rhinocéros.

 

1.2.4. Enjeux économiques

Mais la biodiversité apporte à l'homme bien d'autres choses que de quoi s'alimenter ou se soigner : des fibres textiles (coton, laine, lin, soie), des matériaux de construction (bois) et d'isolation thermique (paille, chanvre), des substances utilisées pour la fabrication de cosmétiques (huile d'argan)… Derrière ces usages se trouvent, selon les cas, des formes d'artisanat ou de véritables filières industrielles. La biodiversité est en outre le support d'une forme particulière de tourisme : l'écotourisme, centré sur l'observation d'espèces au sein de leur milieu naturel [F8].

 

Cette activité, qui peut générer des retombées économiques importantes (hébergement, circuits de visites…) est très développée dans les parcs naturels en Europe et en Amérique du Nord. Le Costa Rica, en Amérique centrale, a été l'un des pionniers en la matière : l'écotourisme y rapporte davantage que la banane, principal produit agricole d'exportation.

 

1.2.5. Enjeux culturels

De nombreuses espèces de plantes ou d'animaux sont étroitement associées à des cultures locales, régionales ou nationales. C'est le cas, par exemple, de plantes utilisées pour des rituels magiques ou religieux. Et on rappellera que l'extension de la culture de la vigne en Europe au Moyen Age doit beaucoup à l'utilisation du vin pour célébrer la messe. Certaines plantes ou animaux sont emblématiques de territoires particuliers : cèdre du Liban, érable du Canada, châtaignier du Limousin, sanglier des Ardennes… [F9]

 

Evoquons enfin la valeur patrimoniale acquise par de nombreux paysages ruraux, produit du travail de générations de paysans pendant plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires. Il en découle logiquement un sentiment d'appropriation de la part des habitant et des réactions de défense si l'on porte atteinte à ces paysages. Prenant en compte la totalité de ces enjeux, certains ont essayé de donner une valeur à la biodiversité, mais la tâche reste difficile : la valeur d'usage suppose une forme quelconque de consommation de la ressource (valeur de consommation directe, valeur productive, valeur récréative...). la valeur d'option est liée à l'éventuelle exploitation future de la ressource. la valeur d'existence est liée à la satisfaction et au bien-être que procure la biodiversité. la valeur écologique est liée à l'interdépendance entre organismes et au bon fonctionnement des systèmes naturels.