3. Gestion et conservation de la biodiversité et de l'agrodiversité

3.1. Vers une sixième extinction ?


Si, tout au long de l’histoire de la Terre, de nombreuses espèces sont apparues ou bien ont disparu, l’homme a accéléré ce phénomène durant les derniers siècles. On parle aujourd’hui d’une nouvelle ère géologique pour qualifier son arrivée : l’Anthropocène. Les activités humaines modifient l’environnement dans toutes les parties du monde et dans tous les milieux, terrestres, aquatiques ou aériens. Cela ne date pas d’aujourd’hui : arrivé en Australie il y a 30 000 ans, l’homme y a exterminé de nombreux animaux (lions marsupiaux, kangourous géants) dont il ne reste plus aujourd’hui que des ossements. Il en fut de même en Nouvelle-Zélande, où le moa, oiseau marcheur plus grand que les autruches actuelles, disparut à la fin du XVe siècle.

Le rythme actuel des extinctions est sans aucun doute beaucoup plus rapide que celui de l’apparition de nouvelles espèces par spéciation. Il tend en outre à s’accélérer : la moitié des extinctions recensées depuis 1600 se sont produites au XXe siècle. Des chercheurs ont comparé le taux d’extinction des espèces au cours du XXe siècle au taux d’extinction « normal », hors intervention humaine, estimé à partir de la durée de vie moyenne des espèces qui est de l’ordre de 5 millions d’années. Pour les vertébrés, le taux d’extinction au XXe siècle serait de l’ordre de 250 fois le taux normal.

Concernant les animaux, la liste rouge des espèces menacées de l’UICN1 montre que 22% des espèces de mammifères, 30% des amphibiens, 12% des oiseaux, 28% des reptiles et 35% des invertébrés sont menacées. Chaque année, de nouvelles espèces disparaissent comme le grèbe roussâtre disparu en 2010 à Madagascar (Le Monde, 2010). En France, on estime à 109 le nombre d’espèces de vertébrés menacés, sur un total de 531 espèces.

Plus de la moitié des espèces végétales seraient menacées. L’homme serait responsable à 80% de ces extinctions. Les régions tropicales sont particulièrement touchées : 2000 plantes tropicales disparaîtraient chaque année. Pour Reid, entre 2 et 8% des espèces devraient disparaître d’ici 2015, sachant que 20 à 30% des espèces végétales n’ont probablement pas encore été répertoriées (UICN, 2009). L’ensemble de ces chiffres doit toutefois être considéré avec circonspection, car la tentation de l’exagération existe. [F27]

L’érosion de la diversité des espèces domestiques se manifeste à trois niveaux : le nombre d’espèces ou de variétés utilisées diminue, ainsi que la diversité génétique au sein même de ces variétés. Selon la FAO (1990), trois plantes assurent aujourd’hui 60% de notre alimentation végétale (blé : 25%, riz : 19% et maïs : 16%). Sur les 145 races bovines inventoriées en Europe, 115 sont aujourd’hui menacées.

Le rapport sur l’Economie des Ecosystèmes et de la Biodiversité (EEB) estimait en 2009 à plusieurs billions de dollars le coût annuel des dommages causés à la biodiversité et aux écosystèmes.

Les causes de cette érosion de la biodiversité ont longuement été évoquées au chapitre précédent. Sans doute, l’expression de « sixième extinction » est une commodité de langage, dont les journalistes n’hésitent pas à faire un large usage : le phénomène auquel on assiste a en réalité peu de choses à voir avec les grandes extinctions des temps géologiques, dans la mesure où il se déroule sur un temps beaucoup plus court. Et c’est bien ce qui doit inquiéter : force est de constater que la biodiversité planétaire est aujourd’hui sérieusement mise en danger.

 

1 UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature.